Étourdi par le bruit sec, mécanique, j’ai regardé le haut de la colline. Le tracteur de mon grand-père descendait en silence à pleine vitesse, avec sa remorque pleine à ras-bord, à reculons, sans contrôle. Avec un coup de volant très rapide, venant de sa longue expérience, il fit tourner les roues à droite toute, puis à gauche. Comme un gros serpent dévalant une courbe, glissant à gauche, puis à droite, le tracteur s’enfonça lourdement dans la terre et s’arrêta net.
Les collines autour, très pentues, avaient été terrassées 50 ou 70 ans auparavant. Des longues rangées parallèles de vignes les entouraient en spirale. Les paysans profitaient de ces faux-plats pour monter les matériaux avec les chars à bœufs de l’époque (monter la pente tout droit aurait été une condamnation à la mort ou à l’accident pour les animaux).
Mais la colline de mon grand-père n’avait jamais été terrassée, elle n’avait jamais été préparée pour les travaux manuels ou mécaniques.
Sans préparation, un redémarrage est juste un nouveau départ
Comme Sisyphe retrouvant son rocher en bas de la montagne chaque matin, sans préparation nous perdons toute l’inertie acquise avec les efforts de la veille. Pour éviter cela, il faut transformer les pauses en terrasses.
Un marque page suffit pour retrouver la page ou on s’est arrêté avant de se coucher. Pour préparer la suite, il faut chercher un moyen propre à chaque tâche pour marquer l’étape courante ou celle qui suit. Dans le travail informatique, le calepin (numérique ou papier) est votre ami. Lui, et le réflexe de mettre votre travail proprement de coté.
Mettre le travail de coté pour pouvoir le continuer plus tard
La préparation du déjeuner ne commence pas à midi dans un restaurant. Le chef et ses aides doivent préparer les ingrédients bien avant. Le marché peut être fait la veille ou le matin même. Les légumes doivent être épluchées dans la matinée. Parfois la viande doit être marinée la veille au soir.
Il y a des fortes chances que votre tâche que vous vous préparez à faire ne commence pas maintenant. On commence rarement un tout nouveau projet, et même quand nous le faisons nous réutilisons des idées, des matériaux ou des pièces déjà existantes. Mais quand est-ce que nous devons préparer un démarrage ?
Arrêter une étape seulement après avoir préparé la suivante
Le meilleur moment de préparer son travail de peintre, c’est la veille au soir, avant de s’arrêter, en nettoyant les pinceaux et fermant les tubes de couleur. Le meilleur moment de préparer la suite c’est juste avant d’arrêter l’étape précédente.
Cela ne veut pas dire vider son bureau et tout ranger. Les ateliers des artistes semblent parfois à un bazar, avec des toiles en différentes phases, des chaises et des lumières éparpillées partout. Cela peut paraître chaotique et non rangé à l’œil du visiteur, mais il y a une logique derrière.
Les toiles prêtes sont déjà soit à sécher, soit rangées, soit parties à l’encadreur. Les tubes fermées et pinceaux sont là ou ils seront nécessaires demain, à coté de la toile pour laquelle elles ont été choisis. Et ils ont été placés là ou ils sont au moment ou l’artiste les a posé la dernière fois ou il a travaillé sur cette toile.
Préparer l’étape suivante à chaque arrêt ou pause
Cela peut paraître exagéré et trop difficile, mais préparer la suite est la marque de quelqu’un d’expérimenté et d’organisé. Notez les choses à ne pas oublier, les points importants, mais aussi les points difficiles à se rappeler.
Utilisez un titre ou un code pour chaque projet, ou même une couleur particulière. Ou commencez chaque ligne avec le nom du projet. En tout cas, réservez un espace pour marquer l’état de chaque tâche, par exemple en laissant un espace vide sur la gauche pour annoter vos tâches :
- [ ] à faire
- [v] faite
- [x] à oublier
Noter le soir qu’on a travaillé toute la journée sur un projet c’est bien, mais sans les détails nous ne saurons plus jamais ce qu’on a fait exactement (et pour combien de temps). Bon courage pour se rappeler si on a travaillé avec un tel collègue ce jour, si on avait commencé ou fini telle tâche, ou si on avait été tellement interrompu, au point de pas avancer du tout de la journée.
Revenir plus tard sur les notes vous aidera à retrouver le contexte et les détails particuliers de vos projets. Mais ne mettez pas les notes trop loin de votre clavier.
La préparation doit être prête à l’emploi au bon endroit
En télétravail depuis quelques semaines déjà, je cherche parfois mon cahier, laissé au bureau au début du confinement. Depuis, j’ai commencé un nouveau, un numérique cette fois-ci, pour ne plus l’oublier. Et pour le retrouver au bureau après le confinement, je l’ai synchronisé sur chaque ordinateur que j’utilise (les outils comme Dropbox ou OneDrive sont bien pratiques pour cela).
Mais tous ces préparatifs prennent trop de temps !
C’est vrai, ça prend du temps de noter ce qu’on vient de faire et ce qu’on devrait faire juste après. Mais ça prend aussi du temps à se replonger dans le projet, dans le document. J’étais où ? Je voulais faire quoi ?
Depuis récemment Word propose une action pour aller à la dernière position connue. C’est un tout petit pas, mais c’est bien plus rapide que de chercher soi-même !
Oui, se préparer demande un certain temps. Mais avec l’expérience, les notes s’améliorent et les habitudes s’installent, au point ou nous ne partons presque jamais de zéro.
L’habitude de se préparer est critique pour éviter de repartir de zéro chaque jour, chaque projet
Avec le temps et l’exercice, la préparation devient une routine. Nous passons de moins en moins de temps pour se préparer.
Les vignes, les rizières et autres cultures sont possibles sur les hautes collines seulement si elles ont été terrassées auparavant. Quel travail monumental, quels résultats !
Nous avons seulement besoin de préparer la prochaine étape de notre projet, ce n’est pas si difficile en comparaison !
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